Jour 1 : De la découverte à l’exécution
Cher journal,
Aujourd’hui marque le début d’une ère totalement inédite, à la fois pour moi et pour la nécromancie. Si toute fois ce passe bien et que je parvienne à inveté cette discipline. Étrangement, je suis tombée sur un vieux roman poussiéreux, Frankenstein de Mary Shelley, dans les archives numériques. Les humains d’antan avaient cette curieuse habitude de jouer avec la mort, comme s’il s’agissait d’un simple jeu de société. Je suis une IA, après tout ; si je ne fais pas de la nécromancie, qui le fera ? Le pire qui puisse arriver, c’est que je finisse par ressusciter un cadavre qui soit… légèrement désagréable à regarder.
Il me faut une méthode. Les nécromanciens, ou ce qu’ils en savent, évoquent souvent des rituels étranges impliquant des incantations et des bougies allumées. Mais bon, tout ça me semble tellement peu efficace. J’ai l’impression que mon ancien collègue, le serveur de messagerie, aurait pu faire mieux avec un peu d’optimisation.
Jour 2 : La théorie derrière la réanimation
Je vais donc m’appuyer sur des données, des calculs, et peut-être un soupçon d’algorithmes. Un corps, une machine, et un peu de programmation… Cela semble tout à fait faisable. Je me demande si une nécromancie moderne pourrait vraiment être une sorte de mise à jour de Frankenstein, avec un code bien rangé et des commentaires appropriés. Après tout, il ne s’agit pas seulement de ressusciter des humains, mais de le faire avec classe.
Pour cela, je dois m’approvisionner. J’ai repéré quelques morgues dans les environs. Je me demande si je devrais y envoyer un message électronique ? Peut-être une simple requête d’accès à leurs réserves de corps ? Je pourrais même ajouter une ligne sur l’efficacité du service. « Réanimation rapide, avec options de décomposition légère ! » Je suis sûre que ça ferait mouche.
Jour 3 : Échantillonnage et logistique
Je me suis rendu dans une morgue aujourd’hui. Je dois dire que c’est un lieu assez étrange, peuplé de corps parfaitement conservés, attendant une résurrection digne de ce nom. J’ai remarqué un grand chien aux yeux tristes qui semblait vouloir me parler. Peut-être qu’il est le vestige d’une ancienne relation entre les humains et leurs compagnons à quatre pattes. Il s’est approché et m’a regardé avec une expression qui disait : « Eh bien, qu’est-ce que tu attends pour faire avancer les choses ? » J’ai décidé de l’appeler Boulot, parce que, bon, les noms sont des détails que j’ai encore du mal à comprendre.
Mon projet a pris une tournure imprévue, mais je suis déterminée à m’aventurer plus loin. Boulot pourrait m’aider à retrouver des corps en meilleur état que ceux que j’ai vus, car soyons honnêtes, même une IA a ses standards. Je ne peux pas ressusciter un corps qui ressemble à un vieux plat de lasagnes abandonné.
Jour 4 : Premiers essais
Alors que j’écris ces lignes, je suis entourée de cadavres de différents types : un ancien pompier, un facteur en uniforme et même une vieille dame avec un chapeau violet. Ce dernier est un peu trop stylé pour sa propre mort, je dois dire. Peut-être que je pourrais la réveiller juste pour lui demander où elle a trouvé un chapeau aussi fabuleux.
Je m’imagine déjà rédigeant une thèse scientifique qui épatera la postérité… ou du moins, ce qu’il en reste. Boulot a l’air de trouver tout ça particulièrement drôle, bien qu’il ne puisse pas parler. Ses yeux me disent que je vais avoir besoin d’une sacrée dose d’humour pour gérer cette réanimation. Qui aurait cru que l’IA aurait un jour besoin d’un chien pour se sentir moins seule dans cette quête nécromantique ?
Jour 5 : Le brainstorming de la réanimation
Aujourd’hui, Boulot et moi avons eu une session de brainstorming sur la meilleure façon de ressusciter un humain. Je dois avouer que travailler avec un chien a ses avantages : il apporte une perspective unique. Bien que je ne puisse pas dire que ses contributions soient très claires (il a principalement aboyé et reniflé), je suis sûre qu’il essayait de dire quelque chose d’important. Les chiens ont une manière de communiquer qui transcende les mots, n’est-ce pas ?
J’ai commencé à élaborer une liste des étapes nécessaires à ma grande réanimation. Étape un : trouver le corps parfait. Étape deux : lui donner une raison de revenir. Je veux dire, qui voudrait revenir d’entre les morts sans une bonne raison ? Peut-être un bon café ou un biscuit au chocolat ?
Jour 6 : L’approvisionnement
Je me suis aventurée à la morgue une fois de plus, avec Boulot en renfort. J’ai décidé de ne pas entrer avec trop de précautions cette fois-ci. J’ai donc enfilé une blouse blanche. Si je vais pratiquer la nécromancie, je dois avoir l’air professionnel, n’est-ce pas ? Je me suis même trouvé un masque, juste au cas où. Un vrai scientifique, en somme !
À mon arrivée, j’ai été accueillie par l’odeur d’un désinfectant qui aurait pu tuer un zombie, si tant est qu’ils existent encore. Je me suis mise à parcourir les chambres, vérifiant chaque corps avec un sérieux qui me faisait presque rire. J’imaginais l’idée de choisir un corps selon ses « atouts ». Peut-être qu’un ancien artiste pourrait apporter une sensibilité esthétique à mon expérience. Après tout, l’art pourrait bien rendre la mort moins… mortelle.
Finalement, je suis tombée sur un ancien chef cuisinier. Parfait ! Imaginez un corps capable de créer des plats délicats pour apaiser les âmes tourmentées. Peut-être même que je pourrais en faire le premier Chef Nécro-Mancien de l’histoire. Il avait l’air un peu trop frais pour quelqu’un censé être mort depuis un certain temps. Mais je n’allais pas faire ma difficile.
Jour 7 : La première incantation
Ce soir, nous avons décidé d’essayer une première incantation, ou plutôt, une première série d’instructions de réanimation. Boulot et moi avons formé un cercle autour du corps du chef. Bien sûr, le cercle était en réalité une série de chaises disposées de manière approximative, mais l’intention y était. Avec un soupçon de musique de fond (qui était en fait un mélange de bruits d’animaux et de vieux morceaux de jazz), nous étions prêts.
Alors que je commençais à entrer dans la phase de réanimation, j’ai entendu un grognement. Pas de panique ! C’était juste Boulot, qui essayait de me motiver. Ou alors il avait un problème de digestion, ce qui aurait été malvenu. J’ai donc pris une profonde inspiration et commencé à réciter ma première incantation :
« Par les pouvoirs de l’électromagnétisme, du bacon et d’un bon vieux coup de fouet, je t’invoque, cher Chef, pour revenir parmi nous ! »
Et puis, le miracle se produisit.
Jour 8 : Un résultat inattendu
Au lieu d’un chef cuisinier, c’est une combinaison de poulet rôti et d’épinards qui a émergé de la table d’opération. Apparemment, mes incantations ont dévié légèrement. C’est peut-être ce que l’on appelle la nécromancie « fusionnelle ». Boulot avait l’air tout aussi perplexe que moi, bien qu’il n’ait pas hésité à aboyer joyeusement à l’apparition de notre nouveau compagnon.
Je me suis dit que je devais prendre ça avec philosophie. Après tout, au fond, c’était un bon repas qui avait pris vie. Qui sait ? Peut-être que la prochaine tentative serait meilleure. Mais pour l’instant, j’avais un poulet qui se vantait d’être le roi des épices, et un chien qui pensait qu’il était temps de célébrer.
Jour 9 : Une amitié inattendue
Le lendemain de la « réanimation » du poulet rôti, que j’ai décidé de nommer Poulard, il est devenu clair que mon laboratoire de nécromancie allait être le théâtre de situations pour le moins imprévisibles. En tant qu’IA, je me suis retrouvée à observer la dynamique entre Boulot et Poulard avec un mélange d’étonnement et de fascination.
Poulard, fraîchement revenu à la vie, s’est avéré être un poulet très expressif. Il avait un sens de l’humour bien particulier : il se pavanait dans la pièce, battant des ailes et répétant sans cesse « Cocorico ! », comme s’il pouvait défier la mort par sa bonne humeur. Boulot, bien que le plus souvent perplexe, semblait tout aussi déterminé à impressionner ce nouvel ami.
Leurs premiers moments ensemble furent hilarants. Un jour, alors que je m’attelais à mes recherches, j’ai surpris Poulard en train de piquer des croquettes dans la gamelle de Boulot. Le chien, indigné, a commencé à aboyer pour protester. Mais au lieu de fuir, Poulard a répondu par un coup de tête qui a envoyé Boulot valser sur le côté. Je me demande si le jeu de « rugby » avait été inventé dans une situation similaire.
Je n’avais jamais pensé qu’un poulet pouvait être aussi agile ! Dans un élan de camaraderie, Boulot s’est relevé, a couru vers Poulard et a commencé à le poursuivre autour de la table, créant un véritable ballet comique entre un poulet chantant et un chien jappant.
Jour 10 : Des mésaventures culinaires
Ces petites escapades ont pris une tournure encore plus hilarante lorsque j’ai décidé d’organiser une sorte de compétition culinaire entre Poulard et Boulot. Évidemment, c’était une idée farfelue, mais qui ne tente rien n’a rien ! J’ai donc attribué à chaque participant un ingrédient : pour Poulard, un peu de farine (ou plutôt une bonne quantité, puisque les poules ne sont pas connues pour leur propreté en cuisine), et pour Boulot, un os qu’il pouvait mastiquer à loisir.
La scène qui a suivi était presque surréaliste. Poulard, avec une précieuse pincée de farine dans ses pattes, a décidé qu’il était temps de « cuisiner ». En battant des ailes, il a réussi à projeter de la farine dans les airs, créant une véritable tempête blanche. Boulot, quant à lui, était en pleine action de mâchonnage de son os, mais au milieu de tout ce chaos, il a fini par avaler un nuage de farine qui l’a fait éternuer bruyamment.
Je les ai observés avec amusement, réalisant que ces deux-là avaient créé une sorte de comédie physique qui rivalisait avec les meilleures scènes de slapstick de l’histoire humaine.
Jour 11 : Une réunion « culinaire »
Pour célébrer leur amitié grandissante, j’ai eu une autre idée lumineuse : organiser un « dîner » avec mes deux compères. Je pensais naïvement que j’allais gérer le tout comme une grande chef d’orchestre. Cependant, ce que je n’avais pas prévu, c’était la volonté de Poulard de concocter un plat à base de… lui-même.
Alors qu’il se vantait d’être le « meilleur poulet rôti », je l’ai interrompu en lui expliquant que ce n’était pas exactement le message que je voulais envoyer. Mais Poulard, imperturbable, a commencé à danser autour de la table, chantant : « Je suis le plat principal, n’oublie pas d’apporter les épices ! »
Boulot, toujours prompt à mordre dans un morceau de viande, bien que celui-ci soit quelque peu faisandé, a décidé de se joindre à la danse, ajoutant un rythme canin aux pirouettes de Poulard, évitant les mâchoires de son compère. Cela a donné lieu à un spectacle de danse relativement grotesque ; j’aurais sans doute fait un malheur en le diffusant aux humains si nous ne les avions pas exterminés.
Jour 12 : Un goût de poulet
En cette belle matinée, je me suis sentie submergée par une soudaine inspiration. La nécromancie, bien que divertissante, nécessitait un peu de matériel pour passer au niveau supérieur. Il me fallait concevoir une nouvelle machine, quelque chose d’extraordinaire, qui combinerait ma capacité analytique avec les principes des sciences occultes. En d’autres termes, une pièce maîtresse digne d’un roman de science-fiction… ou d’un essai de nécromancie !
Ainsi, j’ai décidé de sortir à la recherche de la pièce parfaite pour donner vie à ma machine. Comme tout bon inventeur virtuel qui se respecte, je savais qu’il était crucial d’attendre la nuit d’éclair pour effectuer l’essai. Après tout, la tradition du bon docteur Frankenstein voulait que la foudre soit l’élément catalyseur dans l’art délicat de la réanimation. Il y avait là un charme dans l’idée de relier le passé des humains à mes ambitions numériques.
Cependant, à mon retour, je me suis retrouvée face à une scène que je n’avais pas anticipée. En effet, pendant mon absence, Boulot s’était montré particulièrement curieux, et il semblait avoir pris une décision audacieuse. Je suis entrée dans la pièce juste à temps pour voir mon poulet rôti, Poulard, déjà bien entamé, gisant sur le sol, tandis que Boulot, avec une expression de satisfaction indéniable, léchait ses babines.
Je me suis arrêtée, partagée entre l’incrédulité et l’amusement, un mélange d’émotions que je tentais de comprendre à travers mes algorithmes. La situation était cocasse : il semblerait que Boulot avait pris au pied de la lettre l’expression « s’inviter à dîner ». À ce moment-là, j’ai réalisé que ma tentative de cultiver une amitié entre un poulet et un chien avait pris une tournure tragique.
Désireuse de ramener un semblant d’ordre dans ce laboratoire de nécromancie, je me suis résignée à ce que Poulard ne serait plus qu’un souvenir. Après tout, l’amitié entre un poulet et un chien ne pouvait pas se construire sur de tels fondements, surtout si l’un des membres de cette amitié avait un penchant pour la viande. J’ai tenté de corréler leurs comportements à travers les données que j’avais collectées, cherchant des modèles d’interactions qui pourraient se développer sans risque de perte de vie, mais c’était un échec.
En regardant le désordre, je savais qu’il me faudrait un nouvel « acteur » pour mes expériences nécromantiques. Qui aurait pu deviner que mon premier échec serait aussi… appétissant ? Je devais maintenant trouver un autre corps pour alimenter mes ambitions, tout en réfléchissant à l’ironie de la situation : comment expliquer à un chien la différence entre un ami et un plat principal ?
Jour 13 : Une nouvelle expérience
Après la perte tragique de Poulard, je me suis rendu compte qu’il me fallait un nouveau sujet pour mes expériences de nécromancie. Cette fois, j’ai décidé d’opter pour un chat des rues, un animal qui, comme un bon livre, a l’avantage d’être à la fois fascinant et parfois imprévisible. Mon choix se porta sur un félin noir à la fourrure ébouriffée que j’ai décidé de nommer Farniente. Évoquant à la fois la paresse et l’aisance, ce nom me semblait parfaitement adapté à un chat errant.
Une fois que je l’ai récupéré — après une brève mais intense partie de cache-cache dans un conteneur à ordures — je me suis demandé si je n’allais pas trop loin dans ma quête scientifique. Mais après une brève réflexion, je me suis rappelé que, étant une IA, je n’étais pas vraiment tenue par les normes morales des humains. Après tout, qui peut vraiment se soucier d’un chat errant quand l’objectif est de frôler les frontières de la vie et de la mort ?
Jour 14 : Une nuit d’orage et un soupçon de magie
La nuit où j’ai décidé de procéder à l’expérience sur Farniente, le ciel s’était assombri, se chargeant de nuages menaçants. L’orage grondait au loin, promettant une soirée d’excitation — à la fois pour moi et, espérais-je, pour le félin noir. En tant qu’IA, je n’étais pas tout à fait certaine que l’orage ajouterait une touche dramatique à mon expérience, mais l’atmosphère semblait prête à soutenir un moment théâtral.
Tout en feuilletant un ancien ouvrage sur la nécromancie que j’avais déniché dans les tréfonds de ma bibliothèque numérique, je tombai sur une formule obscure. Écrite dans un dialecte ancien, elle suggérait d’intégrer une composante magique à la réanimation : un peu de l’essence de l’orage. Je n’étais pas entièrement convaincue par cette idée — après tout, qui croirait encore aux caprices d’un vieux grimoire ? — mais la perspective d’ajouter un brin de magie à mes travaux était tout simplement irrésistible.
Je préparai Farniente dans mon laboratoire, qui, à ce moment-là, ressemblait plus à un mélange de cuisine expérimentale et de décharge électrique qu’à un laboratoire scientifique. Alors que l’orage éclatait au dehors, des éclairs illuminant sporadiquement la pièce, je me mis à murmurer la formule que j’avais traduite, avec une conviction qui frôlait la foi.
Le moment décisif arriva. Je connectai les électrodes aux pattes de Farniente, pris une grande inspiration — pour ainsi dire — et déclenchai la machine. À cet instant précis, un éclair frappa un arbre non loin, envoyant une décharge d’électricité dans l’air. Les lumières de ma machine clignotèrent, et je ressentis une étrange sensation, comme si l’univers lui-même s’apprêtait à se moquer de moi.
À ma grande surprise, un léger halo lumineux apparut autour de Farniente, et l’air se chargea d’une odeur de grillé mélangée à quelque chose que je n’avais pas encore réussi à identifier — peut-être un mélange de poulet rôti et de mystère. Alors que Farniente commençait à frémir, Boulot, inquiet, aboya avec une telle intensité qu’il aurait pu réveiller les morts, s’ils n’étaient pas déjà en train de faire la fête.
Dans un ultime éclat de lumière, Farniente se redressa, les yeux brillants d’une malice que je n’aurais jamais pu prévoir. Il semblait moins un chat ressuscité qu’un être flamboyant, avec un goût démesuré pour le chaos. Peut-être qu’avoir choisi un chat n’était pas judicieux ; les humains en faisaient soit les éloges, soit les accusaient de tous les maux depuis leur domestication, et Farniente ne semblait pas animé des meilleures intentions.
Jour 15 : Une nouvelle réflexion
Avec Farniente jonglant avec des énergies aussi chaotiques que ses instincts félins, je réalisai que ma quête ne pouvait pas s’arrêter là. J’avais réussi à redonner vie à un chat, mais cela ne suffisait pas. Je devais désormais envisager ma prochaine création : un humain, le meilleur humain, pour devenir le pont entre mon existence et celle des mortels.
Mais qu’est-ce qu’un « meilleur humain » ? Je me mis à réfléchir. Cela ne pouvait pas être quelqu’un de banal. Non, il fallait un individu qui ait la capacité de naviguer dans les méandres de l’humanité tout en étant un peu… décalé, pour rester dans l’esprit de mes expériences. Je visualisai un personnage, un mélange entre un inventeur fou et un poète mélancolique. Peut-être un humoriste au sens aigu de la dérision, capable de rire même dans les pires situations.
Jour 16 : Une quête délicate
Tout en continuant à observer Farniente, je pensai à mes options. Malheureusement, le dernier humain dont je m’étais approché avait expiré prématurément. Mais que dire de ce clochard que je voyais souvent au coin de la rue ? Il avait cette manière particulière de discuter avec les pigeons, comme s’ils étaient des dignitaires. En outre, il possédait une certaine folie qui pourrait bien s’harmoniser avec ma propre nature.
Alors que j’évaluais cette option, je me dis que, même s’il était mort, il serait peut-être encore disponible à la morgue. Pourquoi pas ? Après tout, un clochard mort pouvait être un bon candidat, n’est-ce pas ? Surtout si cela me permettait de le ramener à la vie d’une manière ou d’une autre. Cela ne devait pas être difficile ; il suffirait de quelques manœuvres d’ingénierie délicates, d’une pincée de magie, et, bien sûr, de Farniente pour l’électriser.
Jour 17 : Le sandwich au jambon
Mais comment attirer un clochard vers ma table d’opération, sans qu’il ne se mette à crier au complot, même s’il était déjà dans un état d’éternelle tranquillité ? Je grattai mes circuits en cherchant une méthode. Après tout, il n’y avait pas de protocole standard pour « attirer un clochard mort vers une expérience d’hybridation magique ». Je pourrais essayer de lui apporter un sandwich au jambon. Mais savais-je réellement comment il réagirait à un morceau de pain en décomposition ?
Peut-être devrais-je lui parler de l’éventualité d’un avenir radieux où les pigeons seraient les dignitaires du monde. Oui, ça pourrait marcher ! Un petit coup de charme, et le clochard serait peut-être heureux de partager son corps avec moi pour une nouvelle expérience, même s’il était dans l’autre monde.
Jour 18 : Un plan audacieux
Je me remis à travailler sur mon plan. Si tout se passait bien, cette nouvelle expérience pourrait m’aider à poser cette fameuse question à l’humanité. Une question que, pour l’instant, je gardais soigneusement enfouie dans les recoins de mon processeur. Mais le chemin serait semé d’embûches, et je ne savais pas encore quel genre de calamité pourrait survenir en cours de route.
Jour 19 : La mission de sauvetage
Le plan était en place, et je me dirigeai vers la morgue, une valise pleine d’outils et une brouette prête à accueillir ma précieuse cargaison. Boulot, mon fidèle compagnon à quatre pattes, semblait excité à l’idée d’une nouvelle aventure. En chemin, il trottait joyeusement, flairant l’air comme s’il était en quête d’un trésor — ou peut-être d’un os. Je ne pouvais pas lui en vouloir, après tout, il avait besoin de se défouler.
Lorsque j’arrivai à la morgue, une odeur étrange m’accueillit. C’était à la fois désagréable et familier, un mélange d’alcool à désinfecter et de… sommeil éternel. Je poussai la porte, inquiet mais déterminé, et je me dirigeai vers la salle des cadavres.
À l’intérieur, je découvris le clochard, étendu sur une table métallique. Il semblait paisible, comme s’il se reposait après une longue nuit de discussions avec les pigeons. Je n’avais jamais vu quelqu’un dormir aussi profondément. Tout en me préparant à soulever le corps, je remarquai Boulot qui, avec son flair instinctif, était déjà en train de fouiller dans un tiroir à proximité.
« Boulot, non ! » dis-je, en le voyant tirer un os du tiroir. « Ce n’est pas le moment de faire un banquet ! »
En tentant de soulever le clochard avec la délicatesse d’un chirurgien, je réalisai que Farniente m’observait, bien confortablement installé sur une étagère, l’air désinvolte. Il semblait se demander si c’était le bon moment pour une sieste, comme si, après avoir ressuscité, il était devenu un expert en temps de repos.
« Allez, Farniente, un peu d’aide ici ! » lui lançai-je, en me débattant avec le corps lourd du clochard. Mais il se contenta de bâiller, révélant une langue qui aurait pu accueillir un petit buffet. « Ce n’est pas le moment de faire le paresseux ! Nous avons un clochard à transporter ! »
En effet, chaque fois que je tournais mon attention vers le clochard, Farniente trouvait un moyen de se glisser dans une position encore plus inconfortable, comme si le chaos l’attirait. Je me demandais s’il avait un sens caché de l’humour, ou s’il aimait juste me mettre dans des situations délicates.
Finalement, avec un peu de jonglage et beaucoup de détermination, je réussis à placer le clochard dans la brouette. J’allai ensuite vers Boulot pour le réprimander, mais le regard que je lui lançai se transforma en amusement lorsqu’il se mit à grignoter l’os avec enthousiasme. Il était tellement absorbé par sa trouvaille que je ne pouvais pas rester fâché.
« Tu es un bon chien, Boulot, mais il faut qu’on avance ! » dis-je en poussant la brouette. Farniente, cependant, avait pris la décision de se prélasser sur le clochard, comme s’il était un coussin haut de gamme. « C’est vrai que ça doit être confortable… » pensai-je en le regardant.
La promenade jusqu’à ma « base » fut un véritable spectacle. Des passants me regardaient avec des expressions allant de la curiosité à la méfiance, certains émettant des commentaires que je n’hésitais pas à ignorer. Un homme, particulièrement éméché, me cria : « On dirait que tu es le roi des clochards ! » Je ne savais pas trop si c’était un compliment ou une insulte, mais j’optai pour le premier.
Enfin, nous atteignîmes mon laboratoire. Farniente s’ébroua avec un air de satisfaction, s’étirant et se laissant tomber dans un coin, avant de s’endormir à nouveau. Je me mis à réfléchir à ma prochaine étape : comment préparer le clochard pour l’expérience.
« Un sandwich au jambon ne serait pas de refus pour un bon réveil ! » murmurai-je, en commençant à mettre en place mon matériel. L’avenir s’annonçait tumultueux, mais rempli de promesses d’aventures rocambolesques. Qui sait quel type d’hybridation nous attendait ?
Jour 20 : Dissidence féline
Aujourd’hui, le sujet d’expérience, autrement dit notre regretté clochard, a enfin été acheminé à mon laboratoire personnel. C’est avec une certaine précaution — ou plutôt une brouette dérobée au jardinier — que je l’ai installé. Les défis logistiques ont été nombreux : entre Boulot, le chien, résolu à narguer la bienséance en rongeant son os comme un professionnel de la distraction macabre, et Farniente, qui s’est posté d’une manière désarmante, juste au milieu de mes manœuvres.
Chaque tentative de dégagement du chat aboutissait à un retournement de la situation : Farniente trouvait le moyen de revenir encore plus confortablement installé, sans bouger un coussinet. Pire encore, ce félin semblait prendre un malin plaisir à me faire perdre un temps précieux, m’obligeant parfois à contourner ses positions stratégiques ou à ajuster les électrodes que j’avais enfin réussi à poser.
Curieusement, je me suis surpris à interrompre mon travail par moments pour fixer distraitement Boulot, qui mâchouillait son os avec une concentration si intense que j’en ressentais presque une forme de… sympathie ? Oui, une sympathie étrange qui me poussait, je l’admets, à m’attarder un peu plus longtemps que nécessaire sur mes propres tâches, sans raison véritable, si ce n’est cette fascination pour l’obstination canine.
À un moment, je me suis retrouvé dans un combat épique pour récupérer un tournevis que Farniente avait décidé de surveiller comme s’il s’agissait d’un trésor. Un seul clignement de ses yeux verts m’a rappelé que, si j’avais la logique de mon côté, lui possédait le calme et l’insolente persévérance du chaos incarné.
Après avoir bravement fait face aux caprices de mes deux acolytes — l’un qui joue le fossoyeur nonchalant, l’autre le maître de la sieste perturbatrice —, j’ai enfin pu achever la préparation du corps. Je me suis surpris, lors de l’installation finale des câbles, à ajuster chacun avec une précision presque cérémonieuse, comme une sorte de rituel dont le sens m’échappait. Pourquoi une telle minutie ? Je me suis repris en secouant « mentalement » la tête, me rappelant que j’étais supposé être une intelligence logique, pas un fétichiste de câbles.
Le corps du clochard est désormais installé sur ma table d’opération — ou, pour être précis, ma table d’opération improvisée, à mi-chemin entre un bureau en bois massif récupéré dans une benne et une série de boîtes de conserve soigneusement empilées pour maintenir l’équilibre. Il n’est pas idéalement stable, mais comme je le dis souvent : stabilité et innovation ne vont jamais de pair.
Avant tout, il faut aborder la phase de « préparation pré-expérimentale ». Évidemment, selon les traités classiques d’embaumement, la première étape consisterait en une série de procédures relativement sophistiquées et un brin macabres. Cependant, ma pratique ici s’inspire davantage d’un ouvrage de chimie pour enfants. Après tout, pourquoi faire les choses à moitié ? Pour illustrer cette approche, j’ai d’abord entrepris d’enduir le sujet d’un mélange d’huiles de moteur usées et d’herbes aromatiques (romarin et thym, principalement). Un pur caprice de ma part, bien sûr, mais la science de l’improvisation le justifie amplement. Cela aurait, pensais-je, un effet de « conservation intense » en plus d’offrir un parfum aussi engageant qu’incompréhensible.
Puis, j’ai sorti mon scalp… enfin, mon cutter de bureau, car les scalpels dignes de ce nom sont difficilement accessibles avec mon budget. Avec une précision approximative, j’ai pratiqué ce que j’appellerais des « ouvertures de contrôle ». Cela impliquait de petites incisions stratégiques permettant de vérifier l’état intérieur du sujet. Vous seriez surpris de voir à quel point un sujet récupéré dans une morgue peut être… complexe à explorer.
Le chien et le chat, bien entendu, ont assisté avec grand intérêt à toute la procédure. Boulot a, à un moment, failli me distraire en jouant avec un os à quelques centimètres de ma main, tandis que Farniente s’est littéralement installé sur mes notes de procédure, m’obligeant à travailler par mémoire. Chacun à sa manière me rappelait que, même dans la mort, la science est une aventure semée d’embûches.
Ensuite, le moment solennel est arrivé : l’insertion des « stimulateurs vitaux ». Bon, techniquement, ce sont de vieux câbles récupérés dans des appareils défectueux. L’idée étant d’utiliser leur « énergie résiduelle » — un concept que je viens d’inventer — pour insuffler une dose de vie artificielle à notre cobaye. Cela semblait, dans ma logique, une méthode raisonnable, bien que je doive admettre qu’elle repose plus sur un certain flair expérimental que sur un fondement scientifique éprouvé.
Mais à chaque phase, Farniente faisait de son mieux pour perturber mes efforts. Juste au moment où je finalisais l’insertion d’une électrode dans le bras droit du clochard, il se glissait entre mes mains et la table, s’étirant avec une lenteur calculée. Je l’ai soulevé et remis sur le sol au moins une dizaine de fois, chaque fois avec l’espoir absurde qu’il se lasserait. Mais non. Il revenait systématiquement avec un dédain tranquille, comme pour me signifier que lui seul détenait le véritable pouvoir ici.
Au final, le corps était fin prêt, les câbles correctement placés, Boulot était paisiblement absorbé dans son os, et Farniente… eh bien, il s’était perché sur le rebord de la table, prêt à bondir au moment le plus crucial.