Avant que les registres ne soient tenus et que les faits ne soient consignés, il n’y avait que la tradition orale.

Le soir venu, autour des feux du cloître des chasseurs, les novices reçoivent cette histoire des anciens, transmise ainsi depuis toujours.

Il y a des siècles, les tribus ne comptaient que sur elles-mêmes pour survivre, et les chasseurs ne traquaient que le gibier. L’une de ces tribus, dont le nom s’est perdu dans les méandres du temps, comptait parmi ses membres un chasseur puissant, robuste, et maître dans l’art de déchiffrer les signes et le langage de la forêt. Cette tribu vivait au pied des montagnes aux glaces éternelles, que le soleil d’été ne parvenait jamais à faire fondre.

Un hiver particulièrement long et rude, une fée affamée s’approcha du village. Chaque fois qu’un des jeunes de la tribu s’éloignait de la relative sécurité de ses pairs, il disparaissait, emporté par la créature. Erold, le chasseur, avait deux enfants : un garçon et une fille.

L’histoire ne retiendra ni le nom de l’un, ni celui de l’autre. La fille d’Erold, sage et prudente, restait toujours sous la vigilance des siens. Le garçon, cependant, emporté par les jeux de ses camarades, céda à l’insouciance propre à la jeunesse. Un matin d’hiver, il fut mis au défi d’aller jusqu’à l’orée de la forêt pour y cueillir une fleur qui poussait même dans les frimas. Le jeune garçon s’élança vers la forêt, mais ses camarades, revenus seuls au village, rapportèrent qu’ils n’avaient entendu de lui qu’un cri, avant qu’il ne disparaisse.

Erold, convaincu de ses talents de chasseur solitaire, était déterminé à ramener son fils ou à prouver sa mort. Il jura également de ramener la tête de la fée. Persuadé qu’il réussirait avant la nuit, il se prépara en hâte, malgré les protestations de sa famille et de ses compagnons. Personne ne voulait perdre le meilleur chasseur de la tribu dans une quête là où tant d’autres avaient péri.

Les heures passèrent, et avec elles, l’espoir des villageois s’étiola. Peu à peu, chacun se résigna à l’idée qu’Erold ne reviendrait pas. Seules deux femmes, sa femme et sa fille, refusaient d’abandonner l’espoir.

Puis, au crépuscule, une silhouette imposante émergea de l’épaisse forêt. Erold revenait, portant un grand sac. Lorsqu’il le déposa au centre du village, il révéla son contenu : deux têtes, celle de son fils disparu et celle de la fée.

Ainsi naquit l’Ordre des Chasseurs, protecteurs des hommes face aux créatures de l’Éther.