Nick et les cigarettes mentholées

Chapitre un : L’affaire


Je rédige ici les notes et commentaires relatifs à l’affaire qui m’a été confiée le premier
février deux mille seize. L’interphone de mon domicile aux trente-quatre rues de la Dalbade
a sonné à quatorze heures, conformément aux traditionnels horaires de bureau.
J’ai, comme à mon habitude, machinalement appuyé sur le bouton de déverrouillage. Les
gens sont parfois, comme je l’ai constaté, très peu enclins à exploser les sujets délicats qui
peuvent les amener jusqu’à ma porte au travers d’un interphone. Le temps pour moi de me
rendre de mon bureau, qui est la pièce principale de mon appartement, jusqu’à la cuisine
pour faire couler deux cafés, et l’on sonnait à ma porte. L’homme que j’ai fait entrer dans
mon appartement était légèrement plus grand que moi, probablement un mètre quatre-vingt-cinq, de type caucasien, la bonne cinquantaine. Son front dégarni et la ride du lion qui
le marquait me laissaient penser que c’était un homme qui exerçait un métier sollicitant son
intellect. Sa sacoche en cuir marron, vieillissante, mais parfaitement entretenue m’apprenait
également de nombreuses choses. Visiblement, ce n’était pas un cadeau, plutôt un objet qu’il
aurait récupéré, mais auquel il tenait et les initiales gravées sur la fermeture, R.D, n’était pas
les siennes.
En effet, il s’était présenté comme étant Maître Jean-Louis Dupin, notaire. Il représentait
les intérêts d’une personne, aujourd’hui décédée, monsieur S. « Alors, Maître Dupin, qu’est-ce qui vous amène ? –Rien de bien exceptionnel, d’ailleurs je sais que vous avez un peu
d’expérience dans ce genre d’affaires. C’est tout simple, je représente les intérêts d’un
homme qui vient de mourir, et, en tant qu’exécuteur testamentaire, je suis à. la recherche
des héritiers de mon client. Pour l’instant, nommons le monsieur S. donc mon client,
monsieur S, est mort, sans femme ni enfant, et nous ne lui connaissons pas de parent proche.
Il faut donc vous rendre à. l’endroit où il est né et consulter les registres. Marie, église, passez
tout au peigne fin, aucun des moyens modernes à notre disposition ne m’a permis de
retrouver un parent vivant à ce jour. – Je me mêle peut-être de ce qui ne me regarde pas, mais
ça coûterait moins cher et prendrait moins de temps si vous le faisiez vous-même non ?

  • Monsieur S. n’était pas mon seul client. Il est mort, c’est triste, mais je dois encore assurer
    la bonne marche de mon cabinet et m’occuper des vivants. C’est pour ça que je vous
    mandate, tout est fait dans les règles de l’art, bien sûr. Vous aurez une avance sur vos
    honoraires destinés à couvrir vos frais. Quand pouvez-vous partir
    — je ne sais pas, où dois-je me rendre ? – Au Pays basque, au sud de Bayonne, près de la
    frontière, à Ainhoa.
    –Ça va, ce n’est pas loin et je connais du monde à proximité, ça ira vite, je peux partir
    demain, dans la matinée.
  • Très bien, j’ai ici des documents qui vous ouvriront les portes de toutes les institutions
    auxquelles vous devrez vous référer. »
    À ces mots, Maître Dupin sortait deux dossiers de sa sacoche, le premier portant
    l’inscription « Famille S. » est sur le second « Mandat et autorisation ».
    Le notaire m’expliquait que le second dossier contenait, entre autres choses, un mandat me
    permettant l’accès aux différentes institutions dont je pourrai avoir besoin pour mener à
    bien mes recherches. Maître Dupin prit congé pour retourner à son étude. Sur la carte de
    visite qu’il laissait derrière lui, j’ai pu oir qu’elle se trouva à quelques rues d’ici. Quant à moi,
    je réservais immédiatement pour le premier train du lendemain en partance pour Bayonne.
    Chapitre deux
    Sur les bords de la Garonne, un homme dans un grand manteau gris sombre finissait son
    café Quai de la Daurade. Sur la table, non loin du cendrier dans lequel gisaient trois mégots
    frais de cigarettes mentholées, un journal roulé. Il se leva et déposa deux euros sur la table.
    Il a reconnu la voiture qu’il attendait. Il prit la ruelle qui mène au Capitole et, devant une
    lourde porte verte, sonnât à plusieurs noms en même temps sur l’interphone. Le grésillement
    du loquet magnétique qui retenait la porte se fit entendre et, tandis qu’il poussait de sa main
    gauche la lourde porte, la droite cherchait dans sa poche la crosse de son revolver. Sans le
    sortir de la poche, il armait le chien avec le pouce. C’est un Smith et Wesson, calibre 38,
    avec un canon court de deux pouces. Les six chambres du barillet étaient pleines. II monta
    un étage et chercha la porte. Il reconnut le nom qu’il chercha sur la plaque : « Étude maître
    Dupin » et frappât trois coups à la porte. Lorsque Maître Dupin apparut, l’homme avait déjà
    dégainé et tira à deux reprises sur le notaire.
    Chapitre trois
    Le trajet jusqu’à Bayonne en train durant plus de trois heures, je mettais ce temps à profit
    pour affiner les recherches grossières menées par le clerc de Maître Dupin. Grâce à
    l’expérience acquise au long de mes huit ans d’exercices, il ne me fallut qu’une heure pour
    remonter la piste à un changement de nom. En effet, en mille neuf cent trente-neuf, à la
    mairie d’Ainhoa, une femme et un enfant en bas âge renièrent leurs identités, sans doute
    pour fuir la montée du fascisme. Cette femme arrivait seule avec son enfant en France à la
    fin de l’année. Quelques jours après être enregistré à la commune, elle s’y rendait pour les
    formalités de changement de nom. J’obtiens rapidement l’ancien nom de la mère de
    monsieur S. ainsi qu’un nom de village au cœur du Pays basque Espagnol. Je m’informais
    rapidement sur les trains en partance de Bayonne et me rendant à Saint-Sébastien. Je
    comprenais rapidement que je passerais une nuit à Bayonne. La descente du train était
    marquée par une bousculade durant laquelle un homme m’a jeté à terre. J’en garde encore
    aujourd’hui un souvenir tenace à cause de l’odeur de cigarettes mentholées que je sentais à
    ce moment.
    Je donnais dans la chambre passablement médiocre d’un hôtel en face de la gare. Le
    lendemain matin, j’avalais rapidement le café serré du bar de l’hôtel avant de reprendre le
    train direction Saint-Sébastien.
    Le trajet semblait sans fin le long de la côte Espagnole jusqu’à ce que le train franchisse les
    abords au nord de la vielle citée. J’ai eu tout le temps, durant le trajet, de réserver un véhicule
    de location dans une des nombreuses agences proches de la gare. Le train arrivait en gare à
    midi. J’avais juste le temps de prendre un rapide casse-croûte à emporter avant de rejoindre
    l’agence de location de voiture. Je m’étais également arrêté dans une papeterie pour
    remplacer mon carnet de notes que j’ai perdu. Quarante minutes en tout, c’est le temps qu’il
    me fallait pour rejoindre Doneztebe. Durant le trajet, je faisais une tentative pour joindre
    Maître Dupin afin de l’informer de la progression de mon enquête, en vain. Le village de
    Doneztebe était coupé en deux par une rivière et la mairie se situait de l’autre côté de
    l’Ezkurra Ibaia.
    Sur place, trouver la mairie était très simple. Le problème qui se posait, c’était la
    communication. Je savais à peine articuler trois mots d’Espagnol, et le Basque, il ne fallait
    même pas y penser. C’est ainsi qu’avec l’application de traducteur, activée au préalable sur
    mon téléphone, j’entrais dans le bâtiment. Il m’a fallu près d’un quart d’heure pour faire
    comprendre ma démarche à l’employée aigrie et impatiente. Après y être parvenue, elle
    m’indiquait un terminal connecté aux archives de la région. La numérisation de celle-ci,
    lente, ne permettait pas de remonter.
    Il était dix-huit heures lorsque je remontais dans la voiture de location. J’ai trouvé la paroisse
    d’origine de
    la mère de monsieur S, celle-là même qui est partie de cette magnifique région pour échapper
    au fascisme et rejoindre la France. Le retour à l’hôtel s’effectuait rapidement, en suivant la
    rivière jusqu’à la côte au creux de la vallée, au travers du parc naturel de la Seftora de Bartiz.
    Je déposais les documents à l’hôtel, et je me lançais dans la recherche active d’un bon petit
    restaurant dans les rues adjacentes. En rentrant à l’hôtel, l’odeur d’une cigarette mentholée
    empestait l’ascenseur.
    Chapitre quatre
    L’homme tirait sur la cigarette qu’il avait allumée dans l’ascenseur en passant dans le hall
    de l’hôtel sans même ralentir. Il examinait attentivement les clichés qu’il venait de prendre
    avec son téléphone en retournant à son hôtel.
    Le lendemain matin, à quelques kilomètres de là, à Urdax, le téléphone du restaurant
    « asador nikolaurenea » sonnait.
    La señora Antia, comme tout le monde l’appelle, vieille tenancière chaleureuse de ce petit
    restaurant, répondait. La voix à l’autre bout du fils demandait s’il y a, en terrasse du
    restaurant, un homme grand et brun, qui buvait un café, et fumait peut-être une cigarette
    mentholée.
    Antia identifiait rapidement le destinataire du coup de téléphone, à l’accent très prononcé
    qu’elle ne reconnut pas, et s’en va le chercher d’un pas lent. L’homme parlait peu et en
    français, Antia ne comprenait pas un mot de ce qui avait été dit. L’homme déposait alors
    deux euros sur le long comptoir brillant, lançait un « Gracias » et franchissait le seuil de
    l’établissement.
    Chapitre cinq
    J’ai réglé la chambre après avoir avalé en vitesse un café au bar de l’hôtel. Si tout se passe
    comme prévu, je n’aurais pas besoin d’y rester une nuit de plus. Je me lançais une fois de
    plus sur la route qui serpente entre les collines du parc naturel du Pays basque espagnol
    enchaînant les virages durant les quatre-vingts minutes de route qui me séparaient d’Urdax.
    Je pensais devoir effectuer ces recherches au saint d’une petite église de village, mais c’est
    au sein de la chapelle d’un monastère que se trouvent les réponses que j’étais venu chercher.
    La chapelle, grande comme une église, était un très bel édifice de pierres grises. Peu de
    vitraux perçaient les imposants murs, mais le monument devait être fréquemment visité.
    Comme la majorité des lieux de cultes touristiques, celui-ci était ouvert au public toute la
    journée. L’accès à l’édifice ne me posait aucun problème, mais pour en ressortir avec une
    copie des documents qui me permettraient de remonter la piste basque, c’était plus difficile.
    Tout en pénétrant dans le bâtiment, je démarrais mon smartphone et j’activais l’application,
    très utile, de traduction. Après plusieurs heures de recherches, il a enfin trouvé le nom qu’il
    cherchait. La mère de Monsieur S’était, en mille huit cent quatre-vingt-dix-neuf, partagé les
    fonts baptismaux avec un frère jumeau. D’un coup de smartphone, je photographiais toutes
    les pages avant et après celles qui m’intéressaient. Le nom de jeune fille
    de la mère de monsieur s’est celui de son père revenait à plusieurs reprises. En face de
    l’édifice, un petit restaurant ferait un bureau provisoire parfait pour croiser les informations
    ainsi obtenues et tenir informé, par un e-mail, son commanditaire.
    Une fois installée en terrasse, la señora Antia, qui se présentait avec un sourire radieux
    passait prendre ma commande.
    Maintenant que j’avais le nom de l’oncle de monsieur S., il fallait chercher la descendance
    de cet homme. Une note dans la marge, plus récente que les écrits relatant son passage lors
    de son mariage. J’ai dû me rendre à nouveau dans l’église pour approfondir mes recherches.
    Le frère de cette confrérie espagnole, que je ne connaissais pas, m’avait rapidement reconnu
    et me laissait patiemment prendre en photo la multitude de pages suivantes sur lesquelles
    apparaissait le nom que je cherchais avec avidité : Enparanza. La famille Enparanza semblait
    implantée dans la région depuis toujours, j’en découvrais des membres à chaque page du
    vieux registre. Lorsque le moine qui m’escortait comprenait enfin l’objet de ma recherche,
    je le voyais du coin de l’œil en train d’écrire un mot sur un post-it. J’avais fini de
    photographier les pages du registre et repartais vers le petit restaurant lorsque le moine qui
    m’accompagnait m’a tendu la main pour me saluer. Lorsque ma main entrait en contact avec
    la sienne, je sentais l’anomalie dans sa paume, le papier qu’il griffonnait, sans doute plier, pensais-je. Je
    le glissais discrètement dans ma poche et m’en allais en direction du restaurant lorsque
    l’impression d’être observé a commencé à me travailler. Je dépliais le papier et d’un côté, je
    voyais, écris en Espagnol, les mots « Voilà ce que vous cherchez » et sur l’autre face, le mot
    unique « txillardegi ».
    Chapitre six
    L’homme laissait tomber à ses pieds le paquet froissé et vide de cigarettes blondes
    mentholées. Le privé qu’il suivait depuis deux jours était à quelques mètres devant lui, à la
    portée de son arme. Il ne dégainait pas. Il devait encore le suivre, la cible n’était pas ce gamin
    qui joue les Sherlock Holmes. D’ailleurs, avec qui pouvait-il bien parler au téléphone, le
    notaire était hors-jeu, il avait peut-être de la famille, ou une petite amie. Les idées tournaient
    en boucle dans sa tête, la manœuvre du moine n’avait pas échappé à son œil exercé. D’une
    façon ou d’une autre, il allait savoir ce que contenait ce mot. Peu importait, Nic suivait la
    piste de petits cailloux admirablement.
    Encore quelques jours, le privé trouverait sans doute la cible, et là plus que deux coups de
    revolvers à tirer, la cible, et le privé. Le contrat serait terminé et il passerait à une autre cible,
    comme depuis une quinzaine d’années.
    Chapitre sept Txillardegi
    Je raccrochais le téléphone une fois dans la voiture, les renforts allaient arriver dans la nuit.
    J’avais réglé la chambre de cet hôtel miteux de Saint-Sébastien, il m’appartenait d’en trouver
    un autre rapidement. Je comptais descendre à. Saint-Sébastien pour y loger encore une fois,
    mais la bonne odeur qui se dégageait plutôt de la cuisine de la señora Antia m’avait donné à
    réfléchir. À deux pas du restaurant se trouvait la casa rural Dutaria et la tenancière du
    restaurant m’assurait que j’y passerais une excellente nuit. Les deux établissements
    possédaient le WiFi, c’était un des critères de choix, notamment pour poursuivre mes
    recherches.
    Seulement, à l’heure du numérique, des drones et toutes les nouvelles technologies, il reste
    une source d’informations précieuse, utilisée depuis que la civilisation existe et qui le sera
    encore durant longtemps sans doute, le renseignement humain.
    « Settora Antia ?
  • Si, me répondait-elle ? » Je m’étais fait comprendre jusque-là d’elle avec le traducteur, et
    bien qu’elle connaissait quelques bribes de français, la communication n’était pas facile. Je
    prenais sur moi et lui tendait le mot du moine tout en lui demandant par le biais de mon
    traducteur que signifiait ce mot.
    « Ce n’est pas un mot, c’est un nom, enfin, un surnom. C’est comme ça qu’on appelait
    monsieur José Luis Âlvarez Enparanza. » Lorsque j’entendais le nom, l’expression sur mon
    visage, je le sentais, changeait significativement. Enparanza, c’était bien ça, le moine était
    malin. La vieille Basque continuait, en m’expliquant que Txillardegi était un des fondateurs
    d’Euskadi Ta Askatasuna, Pays basque et Liberté, autrement dit, l’E.T.A. L’acronyme
    résonnait à mes oreilles. La vie de monsieur Enparanza était passionnante, comme tous ces
    héros du peuple, mais, mort depuis deux milles douze, de sa belle mort, il n’y avait qu’un
    seul de ces aspects qui m’importais, sa descendance. Txillardegi et Jone, sa femme, avaient
    deux enfants, un qui avait été mis en terre le lendemain de sa naissance et un second, dont
    il ne restait plus comme trace que des avis de recherches sur les murs des bâtiments publics
    locaux. Le fils de Txillardegi, Musko, avait visiblement choisi de prendre les armes contre
    l’occupant espagnol. L’avis de recherche qui était ressorti de mon investigation numérique
    rapide datait de deux mille sept. Musko Luis Usako Enparanza échappait à Interpol depuis
    près de neuf ans.
    Chapitre Huit pendant que Nic attendait le plat principal, il s’était rendu aux toilettes.
    C’était le moment propice pour une rapide photo avec son téléphone de tous les papiers
    étendus négligemment sur la table.
    Le fumeur allait le croiser, il ne devait absolument pas éveiller le moindre soupçon, c’est
    pourquoi il avait répété sa commande plusieurs fois avant d’entrer dans le restaurant. Son
    accent était enfin parfait.
    Il avait son feutre mou solidement placé sur sa tête. Il inclinait légèrement la tête et son
    téléphone à la main prit plusieurs clichés en passant lentement devant la table. Le jeune
    homme sortait à ce moment précis des toilettes de l’établissement. L’homme accélérait le
    pas dès l’instant où la porte s’était entrouverte.
    Les deux hommes avançaient l’un vers l’autre, se croisaient, sans même se regarder, et, alors
    que Nic s’asseyait à sa table pour continuer son repas, l’homme commandait un café dans
    un verre.
    Tout cela n’était pas dans ces habitudes, croiser d’aussi près deux fois le même homme,
    l’enquêteur l’avait peut-être déjà repéré. Il fallait qu’il envisage le pire.
    Cela importait pourtant peu, il l’avait déjà mis en tête de la liste des témoins à éliminer.
    Chapitre neuf
    Les renforts étaient arrivés dans la nuit. Le matin suivant, au réveil, j’avais eu le plaisir de
    lire le message qui m’attendait sur mon téléphone portable.
    Je descendais boire mon café, j’avais pris le parti de retourner voir la vieille señora Antia
    pour savoir quelles étaient les rumeurs qui circulaient sur Musko. Après avoir réglé ma
    commande au comptoir, et avec l’aide de mon traducteur universel, j’interrogeais la
    tenancière. J’avais abordé le sujet de plusieurs façons, et mis à l’épreuve mon traducteur
    d’autant, mais rien à faire. « No Io sé » était la seule chose que je parvenais à obtenir comme
    réponse.
    J’avais passé ensuite la matinée complète à me promener dans le village en posant les mêmes
    questions, et toujours, comme je l’avais imaginé, la même réponse. Je savais que pour une
    fois, le temps travaillait pour moi. L’atout que j’avais dans mon jeu me contactait enfin peu
    avant-midi.
    « Oui, c’est moi, j’ai déjà été en meilleure forme, mais j’ai une piste pour ton client, on peut
    se voir me demandait la voix au téléphone. » Je lui laissais le choix de l’heure et de l’endroit
    pour le rendez-vous, je savais que les informations que j’allais obtenir en valaient la peine.
    J’avais beaucoup de routes, visiblement, Musko, et c’était logique, avait quitter le Pays
    basque, et même l’Espagne. Nous avions rendez-vous à la frontière, ce soir.
    Chapitre dix
    Il entrait dans un bureau de tabac pour demander deux paquets de mentholées. Le bureau de
    tabac était juste en face du loueur de voitures dans le bureau duquel Nic était entré. L’homme
    au feutre mou ne le perdrait pas. Le privé était bien trop enjoué et dynamique depuis le coup
    de téléphone qu’il avait reçu à midi. Quelqu’un avait dû lui balancer l’emplacement de la
    cible.
    Cigarette après cigarette, bar après bar, l’homme en costume sombre ne lâchait pas des yeux
    le privé. Il perdait du temps, visiblement le privé n’avait rendez-vous qu’à la nuit tombée.
    Effectivement, les deux voitures, à quelques secondes d’écart, franchissaient la frontière
    pyrénéenne. Il était vingt et une heures.
    La voiture de tête, celle de Nic, activait son clignotant. Le fumeur l’avait repéré et éteignait
    aussitôt les phares de son véhicule.
    Il allumait sa cigarette avant de sortir de la voiture. Il allait marcher quelques centaines de
    mètres pour rattraper le jeune homme.
    Après une marche de plusieurs minutes, il glissait la main dans la poche droite de son
    manteau. Là il sentait la crosse de son fidèle Smith et Wesson, il armait le chien du pouce.
    À quelques pas devant lui, la silhouette de Nic et une seconde silhouette se découpaient
    devant la voiture. Il sortait lentement l’arme de sa poche. Les deux hommes discutaient
    vivement, mais lui restait dans l’ombre, la mire de son arme alignée sur la tête de la première
    silhouette, le doigt sur la détente.
    Chapitre onze
    Je partais de Saint-Sébastien à la nuit tombée. J’avais rendez-vous avec un informateur
    potentiel sur Musko à vingt et une heures quinze sur le versant français de la frontière.
    J’avais été prévenu un peu plus tôt que quelqu’un me suivait. Bien sûr, beaucoup
    d’événements insignifiants m’avaient mis la puce à l’oreille, mais je n’étais sûr de rien.
    J’avais donc choisi la nuit pour voyager et rencontré mon contact. Je ne manquais pas de
    remarquer les phares d’une voiture qui m’avait suivi depuis Saint-Sébastien.
    Lorsque je m’arrêtais, aucune voiture ne me dépassait. Il y avait bien quelqu’un sur mes
    talons.
    Mon informateur était au rendez-vous, à l’endroit convenu et avec une ponctualité digne
    d’une montre suisse, ce que j’ai toujours apprécié. Nous avions garé nos voitures face à face
    et nous étions à peine salués lorsque deux détonations interrompaient notre échange. Deux
    coups de feu avaient claqué et nous nous retrouvions tous les deux à terre, mon contact et
    moi.
    Je passais immédiatement les mains sur mon corps et ne sentais aucune blessure. L’anonyme
    avec qui j’avais rendez-vous ne présentait, lui non plus aucune trace de blessures. Après
    m’être assuré qu’il allait bien, je l’aidais à se redresser. Je ne courrais pas pour me rendre à
    l’endroit d’où les coups de feu semblaient partir. Deux détonations, l’une et l’autre très
    rapprochées, et aucuns de nous n’étions blessés. Les deux balles avaient quelqu’un d’autre
    pour cible.
    « Tu fais vraiment un appât de choix, choupinet ! » Me lançait une voie de femme au cœur
    des ténèbres de la nuit. Les renforts étaient là. Elle retournait, à l’instant où je la rejoignais,
    le corps inanimé d’un homme du pied.
    « J’aurais préféré le prendre vivant pour l’interroger, mais il ne m’a pas laissé le choix,
    comment je pouvais expliquer a mon père que je t’avais laissé prendre une balle pour
    interroger un mec ? poursuivait-elle.
  • Et bien, je suis ravi que tu n’aies pas cette explication à fournir. Allez, casse-toi, je vais
    appeler les flics pour signaler le meurtre.
  • Laisse-moi quatre minutes, ça me permettra de me cacher avant de les croiser sur la
    route ! » Me lançait-elle en s’éloignant dans la nuit. Elle avait certainement garé sa voiture
    non loin de là. J’avais quatre minutes devant moi, cela suffirait pour interroger mon
    informateur sur Musko et le laisser partir avant l’arrivée des forces de l’ordre.
    Tandis que je franchissais les derniers mètres qui me séparaient des deux voitures, lorsque
    le bruit d’un moteur en train de chauffer me parvenait. Alors que j’accélérais le pas,
    l’informateur lançait à pleine vitesse sa voiture sur la route. Il avait filé, et avec lui,
    probablement mes dernières chances de remonter la piste de Musko. Pour l’instant.

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Né en Corse au début des années 80, l'auteur, J.M. Martin commence très tôt à aiguiser sa plume en de nombreuses circonstances. Après avoir émigré à Toulouse et suite à divers rebondissements personnels et professionnels il se lance cette fois dans l' écriture professionnelle et nous ouvre les portes d'un univers inédit. Composé d'une multitude de strates et d'une mythologie complète, il parvient à faire éditer ses premiers livres assez rapidement. Aujourd'hui, de retour sur son île natale, il scénarise pour le studio de jeux vidéo JDO-Univers, il continue malgré tout ses œuvres littéraires complétant un univers riche et infini.

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